Un préalable : des primaires
En faisant un double choix ; désignation par une primaire organisée et large
ouverture de notre réflexion sur la société ; nous nous donnerons enfin des
chances de réussir notre rénovation en réinventant un parti qui se battra pour
ses convictions. À cette condition seulement, nous aurons des chances de
gagner une élection présidentielle.
Premiers signataires :
Thierry MANDON (91), Maire de Ris-Orangis, Président délégué CG91, CN
Arnaud MONTEBOURG (71), Député, Président CG71, BN
Christian PAUL (58), Député, 1er VP CR, CN
Flora LABOURIER (91), MJS, CN
Eric LOISELET (52),1er fédéral, CN
epuis 1962, chaque élection présidentielle est, pour
nous, un échec. Battus sept fois sur neuf, nous ne
devons qu’à François Mitterrand d’avoir remporté une
élection qui a été conçue pour nous échapper. Ces
échecs ne sont pas liés au hasard, bien au contraire. Tel qu’il est
organisé, notre parti est incompatible avec la logique de l’élection
présidentielle. La personnalisation de l’enjeu présidentiel – sans
même parler de sa dérive « pipolisante » – est d’autant plus
éloignée des traditions de notre parti que celui-ci, parlementaire de
culture, s’est construit il y a plus de 30 ans contre la logique
présidentielle de la Ve République.
Adapter notre parti aux réalités institutionnelles et politiques de la
Ve République doit être notre principal objectif de congrès. Car tout
en découlera : la remise au travail collectif, l’adoption d’une
plateforme programmatique ancrée dans le réel sur fond de
convergence idéologique entre nous, la sélection dynamique de
notre candidat, et finalement, la possibilité d’envisager de gagner
une élection présidentielle.
D
Incompatibles avec la Ve
République
mmense chantier tant notre organisation actuelle est en
contradiction avec les contraintes nées de l’élection du
président de la République au suffrage universel. Ainsi, nous
prétendons choisir librement notre candidat à l’élection
présidentielle sans pression de l’opinion, élaborer en nousmêmes
un projet de société et négocier des alliances avec les
partis partenaires du moment. Marqués par le modèle de la contre
société, nous croyons pouvoir bâtir entre nos murs notre
programme et préparer les responsables de l’alternance. Nous
fonctionnons comme au temps des partis politiques souverains de
la IIIe République parlementaire, étanches à la société pour ce qui
est du choix des dirigeants ou de la doctrine.
Cette culture du parti souverain est notre code génétique, elle nous
conduit à sublimer l’importance de nos enjeux internes et à
concevoir notre parti comme l’institionalisation de nos conflits :
représentation proportionnelle en interne de courants plus
soucieux de se disputer des parts de marché idéologiques que de
fédérer autour d’un projet commun, ce qui rappelle les modes de
cohabitation des sept sensibilités socialistes qui, en 1905,
constituèrent la Ire SFIO ; unité qui ne s’exprime que dans
l’opposition au pouvoir (et encore !), défiance à l’égard du candidat
investi, tenu à l’observation stricte de la ligne du parti. Avec de tels
fers aux pieds, le plus agile des candidats présidentiels est
condamné par avance : impossible unité, conflits
programmatiques et organisationnels récurrents entre le candidat,
le parti et ses sensibilités, difficulté à assumer collectivement un
projet courageux de gouvernement. Plusieurs échecs
présidentiels, et pas seulement le dernier, trouvent leur explication
dans ces maux.
I
Fatalité des échecs
vec une organisation inchangée, cette fatalité de l’échec,
née de la contradiction entre logique présidentielle des
institutions et tradition parlementaire de notre parti, se
reproduira. Elle condamne par avance celles ou ceux
d’entre nous qui souhaitent être candidat à l’élection, leur
investiture par le parti découlant de stratégies impossibles.
Soit, pour s’imposer, ils décident de s’engager tête baissée
dans les délices de nos luttes internes, contribuant à fractionner un
peu plus un parti qui n’en a pas besoin. Maximisant leurs
différences avec leurs concurrents au prix d’inconfortables
contorsions, ou, au contraire, préférant émasculer le projet de
réforme qu’ils peuvent incarner pour se revendiquer de la fidélité
aux dogmes, ils sont assurés de perdre deux fois : en audience
dans le parti puisqu’ils se sont singularisés, et en crédit dans
l’opinion publique du fait de leur préférence pour nos combats
singuliers.
Soit, au contraire, pour émerger nos candidats délaissent les
luttes de congrès pour prendre appui sur l’opinion publique et
faciliter ainsi leur investiture. Mais, sitôt désignés, ils sont
confrontés à un impossible dilemme : faire campagne en
acceptant d’être « sous contrôle » du parti, c’est se renier donc
perdre. S’y refuser c’est ne pouvoir faire campagne. Donc perdre.
Nous avons vécu tous ces cas de figure.
Cette fatalité de l’échec n’est pas une vue de l’esprit. C’est notre
réalité d’aujourd’hui. Nous sommes devenus la plus formidable
machine à désigner un candidat qui est condamné par avance, la
plus belle fabrique du perdant de la présidentielle. Notre culture
A
collective et notre fonctionnement nous rendent inaptes à agir dans
un système politique fondé sur le présidentialisme. Seul F.
Mitterrand, investi de fait avant même la création du parti socialiste,
a pu juguler cette contradiction, n’ayant jamais eu à demander
autre chose au parti que de ratifier une investiture « naturelle »
quelques fussent ses oppositions. Depuis, nos procédures
d’investiture paralysent notre capacité à élaborer une plateforme et
transforment notre candidat en éclopé.
En l’état, nous sommes « faits » pour les systèmes politiques
parlementaires. Pour avoir une chance de remporter une élection
présidentielle, nous devons donc repenser notre rôle et adapter
notre fonctionnement à cette réalité présidentielle.
Quelle stratégie pour s’adapter à la logique présidentielle :
Se soumettre ou se réformer
ans les débats préparatoires au congrès, deux voies
s’opposent :
Plusieurs proposent que le parti se soumette
entièrement à la logique présidentielle, qu’il se
réorganise pour faciliter l’émergence puis le travail du chef élu. La
vie entière du parti devrait donc être repensée autour de ce seul
objectif : se doter d’un leader. Dès lors, celui-ci naturellement chef
du parti serait nécessairement le futur candidat à l’élection
présidentielle (désignation du 1er secrétaire et investiture
présidentielle étant, de fait, un seul et même vote) ; sitôt désigné et
investi, ce 1er secrétaire devrait avoir tous les moyens pour diriger
le parti comme il l’entend. Les débats, la discipline, tout serait
second à la volonté de « notre président(e) » pour lui permettre de
devenir un jour celui du pays. Inéluctablement, le fait majoritaire,
s’imposerait peu à peu dans la direction du parti.
D
Nous ne partageons pas cette vision. Elle consiste à
présidentialiser le parti afin d’espérer y voir naître un président
pour le pays. Contraire à la tradition de débats qui est celle du parti,
elle conduit à recopier les dysfonctionnements d’une Vème
République autoritaire et à les appliquer à notre propre
fonctionnement, sacrifiant au passage au culte du chef que nous
dénonçons en tout point. Ce faisant, le Parti socialiste serait privé
de toute perspective stratégique d’élargissement crédible :
l’intégration d’identités nouvelles et de militants (écologistes,
gauche sociale…) serait rendue impossible dans les faits par la
mise en place du fait majoritaire autour du 1er
secrétaire/présidentiable qui empêcherait tout apport idéologique
nouveau. Nous aurions le présidentialisme et ses inconvénients,
rien que ses inconvénients. Plus d’ordre peut-être. Mais un
supplément d’ordre n’a jamais créé un supplément d’âme.
L’autre voie, celle que nous proposons, vise à rebâtir le Parti
socialiste, en intégrant pleinement la logique de l’élection
présidentielle, mais en refusant d’y soumettre nos
fonctionnements internes. S’y résoudre, sans se perdre.
Elle fait le pari que la force des débats qui s’engagent dans la
société, au moment de l’élection présidentielle, est un point
d’appui essentiel pour donner un souffle nouveau à nos idéaux et
repenser notre parti. Pour cela, nous entendons confier une
élection primaire organisée par le parti, rassemblant largement
tous les électeurs de gauche et écologistes qui voudront participer
à cette désignation (moyennant cotisation très modeste), la
désignation du candidat à l’élection présidentielle.
Organisée 12 mois avant l’élection, cette désignation
« populaire » (il faut viser un collège électoral de plusieurs millions
d’électeurs de gauche), outre la dynamique qu’elle créera, libèrera
le Parti socialiste des combats sclérosants de l’investiture.
Soulagé des incessantes querelles de positionnement tactique
entre écuries présidentielles, le parti pourra travailler plus
librement son programme et consacrer toute son énergie à la
rénovation afin de devenir le fer de lance idéologique et
programmatique du futur candidat. Pour cela, il devra se doter
d’outils pour s’ancrer davantage dans la société à partir d’une force
militante renouvelée (organisation de ses relais dans le monde
économique et les services publics ; réappropriation de la
coordination directe de ses élus locaux ; développement des liens
avec les acteurs associatifs) ; travailler à penser les évolutions de
la société à moyen terme en créant un outil de réflexion ambitieux ;
créer un outil d’évaluation et de généralisation des politiques
menées localement par nos élus ; développer des services pour
sa base sociale, voire aider à la constitution d’outils financiers
d’investissements sociaux lui permettant de prendre des
participations financières minoritaires pour contribuer à l’innovation
et l’expérimentation sociale (émergence de nouvelles formes
économiques, pluralisme dans les médias). À côté de ces
missions nouvelles, il continuera bien sûr à définir les orientations
et à investir les candidats pour les élections locales et législatives.
Reprécisant aussi en profondeur son rôle et ses moyens
d’actions, le Parti Socialiste pourra engager un renouveau militant
et devenir durablement le pôle qui tirera l’ensemble de la gauche
vers les succès, s’élargir progressivement pour devenir le parti de
toute la gauche et rester ainsi la pépinière d’où émergera le futur
candidat.
Disons-le clairement : dans sa forme actuelle, c’est la question
de l’utilité même du Parti socialiste que la succession des échecs
présidentiels oblige à affronter. Une formation politique créée il y a
plus d’un siècle, forte d’une histoire riche, de milliers d’élus locaux
et pivot indispensable d’une alternance politique, n’a pas à
craindre d’être sans objet.
Mais, par manque de courage de se transformer, ou en réduisant
le changement à la seule émergence d’un chef, elle encourt le
risque d’être durablement réduite à analyser les causes de ses
défaites électorales nationales successives et de se contenter
d’être une collection de puissances politiques locales. A défaut de
se transformer en prenant pleinement en compte le fait
présidentiel, notre parti est confronté aux risques de son propre
effacement.
Rompre avec ce cycle de l’échec, tel est l’enjeu de Reims. Notre
congrès doit décider l’organisation d’une élection primaire
organisée par le Parti et ouverte à tous les électeurs de gauche qui
voudraient s’y inscrire début 2011. D’ici là, il doit se concentrer sur
l’organisation de conventions ouvertes pour clarifier notre
plateforme programmatique en y associant largement les acteurs
intéressés dans la société et adapter sa gouvernance à cet effort
collectif.
En faisant ce double choix, désignation par une primaire
organisée, large ouverture de notre réflexion sur la société, nous
nous donnerons enfin des chances de réussir notre rénovation en
réinventant un parti qui se battra pour ses convictions. A cette
condition seulement, nous aurons des chances de gagner une
élection présidentielle.
Signataires :
Kheïra GENC (91 – Sec section, CF), Marc LEBRET (75, CF), Sandra
CHÉLÉLÉKIAN (75 – MA, Sec section), Philippe BAUMEL (71 – VP CR, CN), Maya
AKKARI (75 – MA), Dominique ANGONIN (71), Daniel AUDUC (71), Daniel
BARRIERE (92), Benjamin BAUDRY (44), Nathalie BELLITY (95), Albert BERNARD,
Vivien BERNARD (34), F. BERTERA (01), Jean-Marie BERTHOD (25), Pierre-Henry
BLANC (30), David BLONDEAU (71), Alexandre BORDERIES (75 – BN MJS), André
9
BOSTSARRON, Amina BOUDI (75), François BREE (27), Sylvain BROTHIER (75),
Damien CAREME (59), Olivier CAREMELLE (59), Damien CHARLET (25), Valérie
COURIER (75), Martine CUCCARONI (13), Christophe DERONNE (59), Damien
DESCHAMPS (91), Michèle DILLY (71), Martine DOUART (75), Emmanuel
DUMONT (25), Jérôme DURAIN (71), Anne-Eugénie FAURE (92), Jean-Paul
FAVRE (26), Laurence FLUTTAZ (71), Régina GARCINI (75), Guy GAUJACQ (40),
Christian GAUTIER (35), Stéphane GELIN (25), Florence GENESTIER (71), Jean
GIORGETTI (71), Grégory GOBRON (91 – CF), Paul GOOSSENS (75), Cyril
GUELLE (25),Guy HUCHET (71), Stéphane JURANICS (71), Pierre-Ambroise
LACOURT (25), Julien LAGALICE (25), Thierry LASSABATERE (75), Jean LAUNAY,
Pierre LAURENT (77), Christophe LAVIALLE (45), Franck LECETRE (75), Jean-
Yves LECONTE, Janus LELIEVRE (71), Philippe LEPAGE (75), Bruno LUCAS (46),
René MARTIN (71), Frank MONNEUR (25), Florence MORETTI (75), Marie-Claude
MOUSSEUX (75), Sylvain MULARD (95), Philippe NIVET (17), Elise OVARTBARATTE
(59), Martine PAGE (94), Jean-Marie PANAZOL (37), Jean-Jacques
PASCAL (75), Brigitte PASQUES (91), Daphna POZANANSKI, Christian RICHOMME
(91), Fabien ROUSSEL (95), Yasmin ROUXEL (75), Vivien SAULNIER (71), Alice
SEGGAB (91), Thierry SOTHER (68), Jean-Yves TONDOUX (71), Frédéric VILCOCQ
(47),…